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Travailler en freelance, du rêve à la réalité

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Travailler en freelance, du rêve à la réalité

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La barbe noire impeccablement taillée, le sourire malicieux, Nicolas Rosado est un freelance « heureux ». Diplômé d'une école d'ingénieur en 2013, ce jeune trentenaire natif de Tours s'est mis à son compte il y a trois ans après avoir enchaîné les CDI dans de grosses entreprises (Atos, Allianz, EDF...) en tant que développeur informatique. « En toute modestie, je pensais avoir fait le tour du salariat, même si j'ai bien conscience des avantages de ce statut. A la verticalité de la posture du manager, j'ai préféré l'horizontalité de l'expertise et surtout l'indépendance », résume-t-il.

Le déclic ? Sa participation à un séminaire consacré au freelancing, cet anglicisme qui traduit l'absence de subordination vis-à-vis d'un employeur, qui le convainc de franchir le Rubicon. « Certes, c'était un peu comme sauter dans l'inconnu. Lorsque vous vous affranchissez de la logique salariale, vous êtes vite confronté aux réalités du marché, à votre positionnement, à la concurrence parfois féroce » , analyse-t-il, reconnaissant volontiers que son statut d'ingénieur informatique, une denrée rare et recherchée par les entreprises en pleine transition digitale, a levé quelques préventions.

« Je gère mon temps comme je veux »

Après quelques « calages » et discussions avec ses premiers clients, notamment au niveau de la rémunération, ce jeune papa de jumelles a vite trouvé son rythme de croisière et enchaîné les missions d'une durée de six à douze mois en moyenne. « Ces missions longues me donnent de la visibilité. Je gère mon temps comme je le veux et je peux profiter de mes filles. Si j'apprécie au plus haut point le travail à distance, je ne manque pas, une fois par mois, de rendre visite à mes clients, afin de fluidifier nos interactions » , confie-t-il.

Malgré l'idée solidement ancrée, loin d'être toujours erronée, selon laquelle indépendance professionnelle rimerait avec précarité et incertitude, le freelancing a le vent en poupe dans l'Hexagone depuis plusieurs années. Y compris après les longs mois de pandémie et de confinement qui ont mis l'économie mondiale à l'arrêt au printemps 2020.

Selon une enquête parue mi-mars 2021 et réalisée par la « place de marché » de freelances Malt et la start-up Drag'n Surv), 43 % des personnes interrogées déclarent ainsi vouloir devenir freelance « dans les prochains mois », 73 % d'entre elles estimant même que la crise aurait eu un effet déclencheur sur leur envie. Seuls 18 % des sondés affirmant souhaiter larguer les amarres du salariat « par défaut » ou « par sentiment d'urgence ». « La volonté de devenir freelance est principalement conjoncturelle , écrivent les auteurs de l'étude. Ce qui renforce l'idée selon laquelle on ne se contraint plus à suivre une carrière linéaire au cours de laquelle on demeure salarié toute sa vie. Les gens aspirent à alterner les statuts au gré de leurs envies ou des moments de vie. »

Quoi qu'il en soit, l'isolement et les difficultés engendrées par la crise ont boosté les désirs d'indépendance, si l'on en croit l'Insee. Entre mai 2020 et mai 2021, le nombre de microentreprises a bondi de 37,1 %, même si ce chiffre spectaculaire est porté par le boom des effectifs de livreurs.

3 millions d'indépendants en France

Comment définir précisément ce qu'est un freelance ?

« Officiellement, le terme ne possède pas de définition en France. Il ne représente pas non plus un statut juridique précis. Il désigne, par opposition au statut de salarié (CDD, CDI), les personnes qui travaillent sans posséder de contrat classique, même si de nombreux freelances cumulent activité de travailleur indépendant et emploi salarié », détaille Hind Elidrissi, initiatrice et porte-parole d'Independants.co, le néo-syndicat des travailleurs indépendants lancé fin février 2020 et qui revendique de porter la voix des 3 millions d'indépendants que compterait l'Hexagone.

Quel statut adopter ?

Plusieurs statuts juridiques peuvent être envisagés pour exercer son activité de freelance. En fonction du choix effectué, la situation fiscale et la couverture sociale seront différentes.

  • Famille des entreprises individuelles :

Ces solutions permettent d'exercer son activité en son nom propre. On y retrouve notamment les microentreprises et les EIRL (entreprise individuelle à responsabilité limitée). L'activité professionnelle est exercée sans la création d'une entité juridique distincte. L'entreprise est donc confondue avec le patrimoine personnel de son créateur et la responsabilité de ce dernier est indéfinie. Sauf pour l'EIRL qui permet au dirigeant de protéger son patrimoine.

  • Famille des sociétés :

Les freelance créent majoritairement des structures unipersonnelles (un seul associé), à savoir des Sasu (sociétés par actions simplifiée unipersonnelle) et des EURL (entreprises unipersonnelles à responsabilité limitée). La société bénéficie de sa propre personnalité morale, ce qui lui permet d'être complètement dissociée de son créateur et donc de protéger la responsabilité et le patrimoine de ce dernier. (Source : independant.io)

« En réalité, même si de nombreux métiers peuvent être concernés par le terme de freelance, celui-ci est très majoritairement utilisé pour les métiers de créatifs, d'informaticiens, de spécialistes marketing et commercial, de rédacteurs web, d'attachés de presse ou encore de photographes ou de formateurs. L'immense majorité d'entre eux ont déjà été salariés et sont devenus indépendants par choix », pointe **Alexandre Franchi,

président et fondateur d'Hiway**, une plate-forme qui accompagne les experts de la tech et du numérique - ils seraient 1 million en France - désireux de se lancer en solo. © Call me George(s) pour « Les Echos Week-End »

Damien Rochette, 35 ans, a sauté le pas il y a un an et demi, juste après le premier confinement, à la suite de la faillite de son employeur. « L'occasion a fait le larron. J'ai senti que c'était le moment opportun pour assouvir mon désir d'indépendance, et pour sortir de ma zone de confort » , explique ce sympathique développeur « full stack » (traduire « développeur polyvalent »). Il choisit alors le statut de la microentreprise, le plus simple sur un plan administratif et comptable. A savoir, depuis le 1 er janvier 2016, il n'existe plus de différence entre le régime de l'autoentrepreneur et celui de la microentreprise. Même si elles prennent en compte, in fine, la progression et la stabilité de vos revenus, les banques, notamment lors de la négociation d'un prêt, ne jurent bien souvent que par le sacro-saint CDI.

Après quelques recherches sur LinkedIn, le réseau social professionnel, il décroche sa première mission de huit mois pour un grand compte. Depuis qu'il vogue en solitaire, Damien confesse recevoir trois ou quatre propositions de mission chaque semaine, sans compter les offres de CDI qui s'accumulent sur ses messageries. « J'ai la chance de posséder un profil pénurique, se réjouit-il . A mon âge, j'avais envie de multiplier les expériences, de découvrir chaque jour, ou presque, de nouveaux interlocuteurs. »

Concilier temps pro et perso

Installé confortablement en région parisienne dans le bureau qu'il s'est aménagé, Damien savoure sa situation et la liberté de pouvoir fréquenter sa salle de sport préférée à des heures creuses ou d'aller chercher ses filles à l'école. « Je peux travailler en décalé sans le moindre souci » , sourit-il. S'il confie remplir davantage son compte en banque qu'au cours de sa vie de salarié, le jeune développeur reconnaît que son nouveau statut lui pose parfois quelques difficultés, notamment vis-à-vis des banquiers. « Même si elles prennent en compte, in fine, la progression et la stabilité de vos revenus, les banques, notamment lors de la négociation d'un prêt, ne jurent bien souvent que par le sacro-saint CDI » , regrette-t-il.

Des conseils pour des candidats souhaitant plonger dans le grand bain de l'indépendance ? « Il faut posséder une certaine maturité pour gérer ce type d'organisation et de changement de vie, entre les négociations âpres, la solitude, la gestion des refus des clients. » Fatma Benbrima, 38 ans, a également pris le temps de se forger une solide expérience dans les relations presse, entre passage en agence et chez les annonceurs, avant de se lancer, en avril 2019, à la suite d'une rupture conventionnelle avec son employeur. « Je voulais créer ma structure depuis longtemps. J'avais pour ambition d'appréhender la totalité de mon métier, depuis la prospection commerciale jusqu'à l'opérationnel », assure-t-elle.

De l'importance du réseau

Dès lors, elle commence activement ses recherches en sollicitant son réseau, en pratiquant une veille active sur les réseaux sociaux et en épluchant la presse afin de « débusquer » des clients potentiels. En six mois, elle décroche ses deux premiers clients. Même si l'arrivée de la pandémie lui a donné des sueurs froides, elle ne s'est pas découragée. Bien au contraire. « J'ai sept clients aujourd'hui. Avec l'un d'eux, j'ai signé un contrat d'un an. Pour les autres, ce sont des engagements renouvelables qui varient entre trois et six mois » , précise-t-elle. Son organisation de travail ? Cette maman d'une petite fille alterne entre son domicile et les locaux d'un incubateur mis à la disposition de la mairie de Neuilly-sur-Seine, où elle réside. Le futur ? « Je ne m'interdis pas de m'associer, dans quelques mois, pour répondre à de gros appels d'offres. L'appétit vient en mangeant » , plaisante-t-elle. © Call me George(s) pour « Les Echos Week-End »

Directrice artistique dans le graphisme, Alice Amiel, 31 ans, s'est, quant à elle, lancée dans l'aventure il y a trois ans après plusieurs expériences dans des agences de communication. Ses clients : des marques, des entreprises, des start-up pour lesquels elle réalise des identités visuelles (logos), des sites Internet ou encore des publicités. Les raisons de son choix ? « Un peu d'atavisme familial. Mes parents étaient indépendants. Je n'ai pas grandi avec des proches évoluant dans le salariat » , analyse-t-elle, soulignant que sa principale motivation pour se lancer en solo reposait sur son vécu en agence. « Je voulais m'émanciper des process, pouvoir choisir et travailler en direct avec des clients, avec des projets plus en phase avec mes valeurs. Le fait d'avoir des interlocuteurs différents rend les journées toujours riches, jamais monotones. J'ai l'impression de progresser bien plus vite qu'en agence car je n'ai pas le droit à l'erreur », note-t-elle.

Relancer pour se faire payer

Depuis la crise du Covid et la migration géographique autorisée par l'explosion du télétravail, cette Normande d'origine confesse apprécier, au plus haut point, de travailler depuis l'endroit qu'elle a choisi. « Certains clients ne savent même pas dans quelle ville j'habite et s'en fichent royalement » , s'amuse-t-elle. Les bémols du statut de freelance ? Alice, qui a choisi le statut de la microentreprise, « d'une simplicité biblique » , déplore le manque de clarté s'agissant de l'aspect administratif de son activité. Elle s'est inscrite sur un groupe Facebook « Artistes-Auteurs », qui l'aide à décrypter la complexité du jargon, des modes de calcul et du fonctionnement des organismes auxquels elle a affaire (Urssaf, Agessa, Maison des Artistes...). Autre contrainte, de taille, pointée par la jeune directrice artistique comme par nombre d'indépendants : l'obligation de multiplier les relances auprès de ses clients pour être payée.

Les collectifs se multiplient

Ils s'appellent Away We Go, Off-Works, Collective. work, Lookoom ou encore Mozza. Depuis quelques années, des collectifs ou des plates-formes fédérant des freelances ont émergé avec pour objectif de sortir de l'isolement et de constituer, en se regroupant, une force de frappe pour démarcher des clients. Conseil en management des transformations, spécialiste de l'innovation et de la créativité, Catherine Folliot a rejoint, il y a six ans, le collectif Codesign-it, soit 40 professionnels spécialisés dans l'élaboration et la mise en oeuvre de dispositifs d'innovations collaboratives pour des organisations publiques et des grands groupes. « Nous nous épanouissons dans notre 'indépendance collective', pardon pour l'oxymore, et collaborons en permanence sur des projets et missions que chacun décroche. 10 % de notre chiffre d'affaires individuel est versé à la structure. Afin de mettre à distance les ego, nous fonctionnons en sociocratie, c'est-à-dire selon un mode de gouvernance partagée et auto-organisée. Cela marche très bien », sourit-elle.

Aux dires des dirigeants des plates-formes regroupant des freelances, l'arrivée du Covid a accéléré le passage à l'indépendance de cadres expérimentés venus du salariat, au tropisme entrepreneurial et surtout en quête de sens. Des expertises de haut niveau qui ne manquent pas d'intéresser les grands groupes et les start-up en quête d'agilité. « Les entreprises sont intéressées par ces profils de prestataires autonomes, débrouillards, facilement disponibles et moins chers », analyse Laëtitia Vitaud, spécialiste du futur du travail, auteure du livre « Du labeur à l'ouvrage » (Calmann-Levy, 2019), persuadée que se généraliseront à terme, les allers-retours féconds entre salariat et indépendance. Bref, l'hybridation, selon une expression devenue à la mode pendant le Covid. (*) Enquête nationale réalisée du 14 au 16 février 2021 auprès d'un échantillon représentatif de 1019 personnes de quatre CSP (cadres et professions intellectuelles supérieures, professions intermédiaires, employés, sans activité professionnelle.

Avant de se lancer...

  • Commencer en parallèle d'une activité salariée : cela permet de limiter les risques et de tester son offre et son positionnement. Travailler avec des premiers clients et disposer de références lorsque vous vous lancerez à 100 % représente un avantage indéniable.
  • Etablir un plan financier, au moins pour la première année, est un élément clé pour réussir. Quid de votre salaire net mensuel moyen attendu ? Quelles vont être les dépenses pour votre activité ? Avez-vous besoin d'investir dans du matériel ?
  • Définir son taux journalier moyen (TJM) : il correspond à votre prix de vente d'une journée de travail sur un projet. Plusieurs éléments sont à prendre en compte pour le calculer : salaire net souhaité, nombre de jours facturés en moyenne par mois, expérience, statut choisi (impact sur les charges).
  • Se renseigner sur les aides financières : plusieurs mécanismes peuvent être mobilisés, tels que l'Acre (Aide aux créateurs et repreneurs d'entreprise, sous forme d'exonération de charges), le maintien des ARE (Allocation d'aide au retour à l'emploi), l'ARCE (Aide à la reprise ou à la création d'entreprise, qui permet de recevoir ses allocations chômage sous forme de capital)... (Source : independant.io)

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